Remise de la croix de chevalier de la Légion d'Honneur à Antoine MUNIZ
C’est au cours de la cérémonie de dépôt de gerbes lors du 93 ème congrès départemental Savoie de l’Union Fédérale des Anciens Combattants le dimanche 25 juin 2017 à MOUTIERS en Tarentaise, que le Président des deux Savoie, Adrien Alexandre AVENIERES remettait les insignes de Chevalier dans l’Ordre de la Légion d’honneur à Antoine MUNIZ.
Antoine MUNIZ est né le 28 juillet 1934 à CHARTIN de la ROSE ( Espagne)
A l’issue de son contrat d’engagement dans la Légion Etrangère, Il réside à Saint Jean de Maurienne où il est employé à ALUMINIUM PECHINEY jusqu’à sa retraite.
Soldat de deuxième classe, il a servi pendant 5 ans au 3ème Régiment Etranger d’Infanterie et fait les campagnes d’Indochine et d’Algérie.
Il est titulaire de :
- la Médaille Militaire depuis 1974
- La Croix de guerre TOE
- la Croix de la Valeur Militaire avec 2 citations à l’ordre du régiment.
- la Croix du Combattant
- La Croix du Combattant Volontaire avec Barrette « Indochine »
- du Titre de reconnaissance de la Nation
Il a rejoint la section DPLV des deux Savoie dès sa nomination par décret du président de la république le 5 avril 2017
REMISE DE LA CROIX DE CHEVALIER DE LA LEGION D’HONNEUR
A Monsieur Justin Joseph Ambroise DAME
par Adrien Alexandre AVENIERES
Délégué de la Grande Chancellerie
Président de l’Association des Membres de la Légion d’honneur « décorés au péril de leur vie » section des deux Savoie
Et de la Société des Membres de la Légion d’honneur Comité Maurienne
le 25 juin 2017 à la salle de fêtes de Lanslebourg
Monsieur ARNOUX Maire de VAL CENIS
Monsieur les Maires Délégués
Monsieur le Général Michel REY
Madame la Vice-Présidente du Conseil Départemental Rozenn HARS
Monsieur le représentant du Commandant de Brigade de Gendarmerie de LANSLEBOURG
Madame, Messieurs les Légionnaires
Messieurs les Présidents des Anciens Combattants
Monsieur le Président du Souvenir Français Haute Maurienne
Messieurs les porte-drapeaux
Mesdames, Messieurs,
En ce jour prestigieux pour vous, Monsieur DAME, pour votre famille, vos amis, pour moi et les compagnons Légionnaires, les Anciens Combattants et autres personnalités déjà citées c’est un grand plaisir de vous entourer. Dans quelques instants vous recevrez la croix de chevalier de la Légion d’honneur, premier ordre national représenté par le drapeau porté par Gilbert FLANDIN Légionnaire, membre de la Section des deux Savoie.
Cette cérémonie se déroule 5 jours après votre 100ème anniversaire. Recevoir à 100 ans les insignes de Chevalier dans le 1er ordre national est un fait exceptionnel et peu banal. Il marquera à n’en point douter toute la vallée de la Maurienne et bien au-delà.
Je vous ai rencontré la première fois au cours de l’été 1945 à LE FRENEY. Vous partagiez le verre de l’amitié avec mon père. Je ne vous ai jamais revu. En 2011, 67 ans après Monsieur DAME se fait connaître et fait savoir qu’il est un ancien résistant et Déporté alors que la presse signalait le décès d’Emile VINCENT de Saint Jean de Maurienne dernier résistant et déporté de Maurienne. Je m’intéressais alors à votre situation, sans savoir qu’il s’agissait du Monsieur rencontré en 1945. Ce n’est que quelques mois plus tard après avoir demandé votre dossier militaire aux archives départementales de Savoie que je vous ai reconnu en examinant la photo présente sur un document. J’avoue qu’en 1945, j’étais loin de d’imaginer que 72 ans plus tard je vous remettrai la Légion d’honneur. Un heureux hasard !
Avant d’évoquer la vie du récipiendaire je dois, selon la volonté du créateur de l’Ordre, NAPOLEON BONAPARTE, vous parler de la Légion d’honneur. Le jour de remise d’une Légion d’honneur, on parlera de la Légion d’honneur, vous devez parler de la Légion d’honneur disait l’Empereur.
La croix qui sera épinglée sur votre poitrine se situe tout à fait dans le cadre qu’avait déjà fixé Bonaparte lorsqu’il rédigea la constitution le 13 décembre 1799 établissant le consulat. C’est dans ce texte précisément, qu’il inclut l’article 87 ainsi rédigé :
« Il sera donné des récompenses nationales aux guerriers qui auront rendu des services éclatants en combattant pour la République »
Jusqu’à la création de la Légion d’honneur, ces récompenses furent des remises d’armes d’honneur.
Je vais donc évoquer, le plus succinctement possible, la création de l’Ordre de la Légion d’honneur.
Il est bon de rappeler que la Révolution avait aboli tous les Ordres à l’exception de l’Ordre de saint Louis réservé aux officiers catholiques. A vrai dire, en supprimant les ordres, on avait voulu effacer toutes traces marquant l’existence des rois. On dût se rendre compte assez rapidement qu’il serait impossible de faire disparaître à jamais ce que certains avaient appelé « les hochets de la monarchie », puis plus tard « les hochets de la république. »
C’est pourquoi, dans la constitution de l’an VIII (1800) Bonaparte prévoyait dans son article 87, des récompenses nationales aux guerriers et accorder une place de choix à tous ceux qui s’étaient distingués par leur héroïsme guerrier. Déjà il voulait « plus » que des armes d’honneur, institution non hiérarchisée et officialisée, qui disparaissait lorsque les bénéficiaires rentraient dans leur foyer.
En attendant ….
La Convention signe un décret, confirmé par l’arrêté consulaire du 25 janvier 1802 instituant la distribution des Armes d’honneur, récompenses données aux seuls militaires qui se seraient distingués par une action d’éclat.
2 318 de ces armes d’honneur (fusils, sabres, briquets, haches, baguettes de tambour) furent remises, jusqu’à leur suppression, le jour de la création de la Légion d’Honneur.
Ces récompenses donnaient droit à une solde importante à l’intéressé. Cette solde disparaissait lorsque le militaire quittait le service actif.
Cette façon de récompenser les personnels méritants, pas toujours très ordonnée, créait des mécontents et n’était pas simple à conduire sur le plan administratif.
Napoléon s’appuya, par la suite, sur ce même article 87 pour créer la Légion d’Honneur, un ordre qui désigne à l’attention et à l’estime publique par des marques d’honneur apparentes, tous ceux, quelle que soit leur situation sociale, qui par des actes de bravoure devant l’ennemi, par leur dévouement, par leurs qualités morales ou intellectuelles se montrent supérieurs aux autres et rendent, au cours des guerres, ou pendant la paix, dans toutes les branches de l’activité humaine, des services particulièrement éminents et utiles à la patrie.
Ce qu’il ne manque pas de faire au cours du premier semestre de l’année 1802. Il crée la Légion d’honneur après avoir été élu premier Consul. Il fallut pour ce faire modifier l’article 87.
Malgré sa toute puissance, il rencontrera des oppositions au niveau du Consulat, de l’Assemblée Législative, et du Tribunat.
Les résultats des différents votes sur cette création démontrent que l’unanimité était loin d’être obtenue.
S’appuyant toujours sur cet article 87, il présente en mai 1802 sa création comme étant la réalisation d’un vœu du Pays.
Le conseil d’Etat approuve le projet puis Le Tribunat propose en effet en une seule séance en matinée très animée une modification au projet initial, pénétrant sans le vouloir, du moins on le suppose, les secrets de BONAPARTE qui avait imaginé depuis assez longtemps que l’Ordre qu’il allait créer pourrait être aussi remis à certains civils.
Le tribunat propose de compléter l’article premier initialement conçu en ces termes :
« En exécution de l’article 87 de la constitution concernant les récompenses Militaires, il sera formé une Légion d’honneur »
La section de l’intérieur du Tribunat propose d’ajouter « et pour récompenser aussi les services et les vertus civiles » puis sur intervention du corps législatif, décide le libellé suivant : « pour récompenser les services civils et militaires »
Le projet fut voté par le Tribunat le 18 mai 1802 et adopté le lendemain 29 floréal de l’an X (19 mai 1802) par le corps législatif par 166 voix pour et 110 contre sur 276 votants, au grand étonnement des partisans du projet, qui s’attendaient à un résultat plus favorable ! Les conséquences de la révolution marquaient encore les esprits.
Le Président du Conseil Pierre Louis ROEDERER avait déclaré :
« La Légion d’honneur unit, par une distinction commune, des hommes déjà unis par d’honorables souvenirs
C’est une institution morale
C’est une institution politique
C’est une institution militaire. »
Le 15 juillet 1804, l’empereur Napoléon décorait 1800 personnes dans le temple de mars (Chapelle Saint Louis des Invalides). Outre un très grand nombre de militaires de tous grades et d’invalides de guerre, quelques hautes personnalités civiles étaient honorées à cette occasion. On a reproché à L’Empereur son « avarice » quant au nombre peu important de civils décorés ce jour là.
Un mois plus tard, le 16 août 1804, à la barbe des Anglais, L’empereur procédait, au Camp de BOULOGNE, à la deuxième remise de Légion d’honneur, aux seuls soldats, au nombre de 2000.
Les dures épreuves auxquelles La Légion d’honneur fut soumise, tant par les personnages qui lui étaient hostiles dès sa création, que par les modifications imposées par la monarchie, le second empire, la république n’ont pas ébranlé cette institution, puisqu’elle demeure aujourd’hui, la récompense voulue par NAPOLEON, une haute distinction connue dans la majorité des pays étrangers.
Pour les amateurs de changements, il sera difficile de modifier profondément le mode d’attribution de cette décoration, même s’il faut noter quelques-fois des dérapages que l’on tente de noyer dans la masse des valeurs nationales récompensées à juste titre. …
Il est utile de rappeler que Napoléon Bonaparte avait affirmé après la création de l’Ordre : « Le jour où on s’éloignera de l’organisation première, on aura détruit ma pensée et ma Légion d’honneur cessera d’exister. Ne portera pas qui voudra ce signe de l’honneur »
Mon résumé lapidaire de la création de la Légion d’honneur s’arrêtera là. J’ai pensé qu’il était utile et nécessaire d’en rappeler les grandes lignes pour ceux qui l’auraient oubliée et d’en extraire l’essentiel pour ceux qui la méconnaissent et enfin pour obéir à la volonté de Napoléon.
Il faut que, tous, citoyens, élus, sachent que cette nomination dans l’ordre de la Légion d’honneur à titre strictement militaire a été précédée de la constitution d’un dossier de proposition, lequel, après avoir été renseigné par moi-même transmis par la voie hiérarchique aux autorités compétentes, renouvelé annuellement pendant 6 ans au Ministère de la Défense à PARIS où il a été nécessaire de rappeler que Monsieur DAME serait centenaire en 2017. Le temps révolu ne permettait plus de répondre à l’intéressé que sa demande ferait l’objet d’une étude attentive l’année suivante…Apparemment j’ai été compris !
Cela étant dit et nécessairement expliqué j’évoquerai maintenant votre vie, cher Monsieur DAME.
Vous êtes né le 20 juin 1917 à Lanslebourg, fils de Cosme Damien, agriculteur et de Louise Catherine MOLIN. Vous avez suivi votre scolarité à Lanslebourg, village pour lequel vous avez, toute votre vie, un très grand attachement.
Issu d’une famille nombreuse vous aviez 2 frères et 3 sœurs malheureusement tous décédés à ce jour.
En 1939 vous épousez Irène BURDIN qui vous donnera 7 enfants : 5 filles et 2 garçons. Cosme succombera d’une crise cardiaque à l’âge de 63 ans. Madame DAME est décédée il y a trois ans.
Vous êtes incorporé le 15 octobre 1937 pour servir à la 1ère compagnie du 71ème Bataillon Alpin de Forteresse. En raison des événements de déclaration de guerre en 1940 votre vie sera malheureusement perturbée pendant plusieurs années.
Vos qualités de soldats sont relevées et font l’objet d’une citation à l’ordre du régiment. Cette récompense a paru au Journal Officiel N° 948 du 13 février 1940.
Votre volonté de combattre l’adversaire sera remarquée particulièrement dans le secteur du barrage de Bissorte, lorsque l’armée française reçu l’ordre de se replier face à l’avancée de l’armée italienne. Vous avez ouvert le feu, faisant usage de votre fusil-mitrailleur sur les envahisseurs. En vous repliant vous avez chuté dans le ruisseau de Bissorte, vous blessant assez gravement. Avec ténacité vous récupérez cependant les papiers de votre lieutenant tué au combat. L’armée italienne a présenté les armes au détachement français qui avait refusé de se rendre. Son repli s’effectuera rapidement sur Modane puis Bourg en Bresse et Lons le Saulnier.
Le 22 juin 1940 l’armistice est signé Justin étant marié il est libéré le 3 août 1940, après avoir participé aux actions de guerre contre l’Italie pendant 11 mois consécutifs.
Patriote dans l’âme, vous entrez aussitôt dans la résistance et rejoignez votre chef de section dans le maquis.
De nombreuses activités périlleuses vous attendent. Là encore, l’occasion vous est donnée de montrer votre volonté de combattre.
Une rude épreuve vous est réservée. Vous êtes arrêté par les forces allemandes et déporté à Meerenne en Allemagne le 20 septembre 1944. Vous y resterez jusqu’à votre libération le 13 avril 1945. Un mois plus tard, le 8 mai 1945 la fin de la deuxième guerre mondiale était signée. Vous aviez bien servi votre pays la France.
Un immense travail vous attendait. Lanslebourg avait souffert pendant la guerre.
Vous êtes élu conseiller municipal pendant deux mandats.
Vous avez été Président de la coopérative laitière pendant une vingtaine d’années.
Vous avez été récompensé par la remise de la Médaille du Mérite agricole en 1977.
Sur le plan militaire vous avez été décoré de :
- La croix de guerre 39/45 avec citation.
- La croix du Combattant Volontaire de la Résistance
- La Croix du Combattant.
- Le titre de reconnaissance de la Nation
Vous êtes titulaire d’une pension militaire d’invalidité à 65 %
Sans doute auriez-vous, antérieurement, mérité d’autres récompenses, mais vous n’étiez pas l’homme à vous engager dans le monde associatif combattant. Ainsi vos droits à reconnaissance ont été négligés. Vous avez appartenu pendant une courte durée à l’UNADIF (Union Nationale des associations de déportés internés et familles de disparus) et à l’association des Patriotes transférés en Allemagne. Vous êtes toujours membre de la section de Lanslebourg de l’Union Fédérale des Anciens Combattants.
Cette réception officielle dans la Légion d’honneur, obligatoire et indispensable, fera de vous un membre à part entière du premier ordre national français aux cotés des 93 000 décorés pour services éminents, militaires et civils issus de divers domaines d’activités de la société. Elle officialisera également votre entrée dans la prestigieuse Société des Décorés de la Légion d’honneur « au péril de leur vie »
Vous voilà officiellement heureux bénéficiaire de la croix de Chevalier de la Légion d’honneur avec la joie et le plaisir qu’une telle récompense apporte à celui qui la reçoit, mais aussi avec les devoirs moraux que le port de cette décoration vous imposera désormais tout naturellement : Discipline, dignité, respect des lois, respect de soi-même et des autres. Rigoureux dans les obligations, comme vous l’avez toujours été dans votre vie, professionnelle et familiale, vous contribuerez, encore longtemps je l’espère, autour de vous au maintien du prestige de notre premier ordre national, respectant ainsi la volonté de son créateur le premier consul Bonaparte qui voulait voir cette Légion d’honneur admirée, enviée et portée dans le monde entier avec dignité.
Votre dévouement, votre courage, votre abnégation, mis au service de la France sont aujourd’hui reconnus par cette décoration renommée et si enviée appelée « LA ROUGE ». « Ne portera pas qui voudra ce signe de l’honneur » aimait à préciser Napoléon !
Nous Légionnaires, savoyards, Mauriennais, et particulièrement les valeureux Légionnaires « décorés au péril de leur vie » dont vous avez rejoint la section des deux Savoie dès votre nomination dans l’ordre par décret du 5 avril 2017, sont très fiers de vous accueillir au sein de la grande COHORTE des Légionnaires dont la devise est « HONNEUR ET PATRIE »
Toutes nos félicitations encore Monsieur DAME et cher ami Légionnaire.
REMISE DE LA CROIX
« Au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons CHEVALIER de la Légion d’honneur »
Accolade