REMISE DE LA CROIX d’OFFICIER de la LEGION d’HONNEUR
à Louis EVENOU
24 juillet 2017 – Garons (30)
Le 24 juillet 2017 à Garons (30), le colonel (e.r.) Michel ROBARDEY, Président de la section Languedoc –Nord de l’Association des membres de la Légion d’Honneur Décorés au Péril de Leur Vie (DPLV) a eu l’honneur de remettre la croix d’Officier de la Légion d’Honneur à Louis EVENOU
Louis EVENOU est né le 28 octobre 1932 à Mantes la Jolie (Yvelines) d’un opère breton et d’une mère corse. Engagé volontaire à l’âge de dix-huit ans, il est arrivé en 1951 dans la péninsule l’Indochinoise au sein du 21° RIC. Il a reçu le baptême du feu à Hoah Binh, en pays muong, la dernière bataille du général de Lattre et participa à de nombreuses opérations jusqu’en 1954. Réformé après les blessures reçues à Dien Bien Phu et aggravées par la captivité qui suivit, Louis EVENOU est Grand Invalide de Guerre.
Avant de procéder à la remise de l’insigne du nouveau grade dans la Légion d’Honneur de Louis EVENOU, le délégué du grand Chancelier a prononcé quelques mots :
« C’est en ouvrant la première pièce de votre dossier, que j’ai mesuré l’honneur que vous me faites en me demandant aujourd’hui de vous remettre la Croix d’Officier de la Légion d’Honneur. Il s’agit d’une de vos citations portant attribution de la Croix de Guerre des TOE avec étoile d’argent : « Combattant courageux. Bien que n’ayant subi aucun entrainement préalable, a été volontaire pour être parachuté sur Dien bien Phu (Nord Viet-Nam) où il été largué le 24 avril 1954. »-.
Le 25 avril 1954, tout le monde sait que le camp retranché est perdu. Le colonel PIROTH, le brave colonel Piroth, patron de l’artillerie qui s’était engagé à faire taire tout canon viet apparaissant dans la cuvette, s’est suicidé le 15 mars 1954, un mois et demi plus tôt, après avoir pris conscience que son impuissance condamnait la garnison de Dien Bien Phu. Depuis, les soldats français se battent à un contre dix sous un déluge de fer et de feu. Les bataillons de la Coloniale et de la Légion Etrangère ne cèdent leurs positions qu’après avoir été anéantis. Certains pourtant contre-attaquent encore en chantant. Mais ceux qui, comme vous, à la fin du mois d’avril, ont choisi de rejoindre leurs camarades savent qu’ils vont les rejoindre en enfer.
Et encore, ils ne savent pas alors quelles épreuves épouvantables leur seraient imposées en captivité. Ils ne savent pas que peu survivront à ces camps de la mort où les communistes réussirent un taux d’élimination bien supérieur à ceux que les nazis obtinrent dans les camps de la Shoah.
Mais avant cette abomination, comme prévu, « Dien Bien Phu est tombé » ! Ce soir-là, ou le lendemain, je n’ai pas encore six ans. Je revois mon père entrer dans la cuisine et jeter sur la table un journal d’un air faussement désinvolte : « Dien Bien Phu est tombé » dit-il, relisant le bandeau noir barrant la première page. Ma mère et ma grand-mère pleurent… mon père ressort de la pièce, sans un mot …. Ce souvenir d’enfance et ces cinq lettres gravées dans ma mémoire d’enfant, me reviendront à l’esprit chaque fois que sera évoquée cette lointaine guerre d’Indochine. Lorsque, quinze ans plus tard, j’ai reçu le brevet de parachutiste, loin de toute guerre sur la DZ de Pau, le colonel qui nous a remis cet insigne nous a rappelé que nous nous engagions à accepter d’être largué en tout temps et en tous lieux, partout où la France le demandera. Il a rappelé, aussi que nous avions vingt ans, l’âge de ceux qui avaient sauté sur Dien Bien Phu, sans brevet et sans préparation aucune, quelques années auparavant …. Mais j’ai trop parlé de moi. Pardonnez-moi : je voulais simplement vous dire combien je mesure l’honneur que vous me faites aujourd’hui.
Largué le 25 avril 1954, vous vous posez comme vous le pouvez dans le fracas des explosions et le tonnerre de l’artillerie viet matraquant le camp sans relâche. Il y a longtemps, le 28 mars, autant dire une éternité dans l’enfer de la bataille, que le dernier avion français s’est posé sur la piste. Il n’a pas pu repartir et a laissé sur place celle qui deviendra l’ange de Dien Bien Phu. Peut-être a-t-elle été amenée à vous soigner puisque, peu après votre arrivée vous avez été gravement blessé à la tête par cette artillerie viet qui fit tant de mal.
Enterré vivant, déterré par miracle, blessé et hors de combat, vous avez assisté impuissant à l’arrivée des Viets submergeant le camp après que, sur ordre du commandement militaire de Hanoï, Ðiện Biên Phủ dépourvu de munitions et de nourriture, impossible à ravitailler, a cessé le combat le 7 mai 1954.
Malgré vos blessures, vous allez être contraint, comme tous vos camarades, de suivre cette terrible marche de la mort qui vous a amené au camp 75. Puis, quand tous vos camarades ou presque auront disparus, vous resterez une petite quinzaine à être transférés au camp 70.!
Pour évoquer les souffrances que vous avez endurée dans ces camps d’extermination, tenus par des commissaires politiques communistes viets… mais aussi français, hélas , disons pudiquement, comme l’a écrit un de vos camarades de captivité, que « Leurs camps de prisonniers ont déshonoré leur victoire ». Et rappelons néanmoins que taux global de la mortalité y a été de 69,04 % ...en quelques trois mois seulement puisque avec les rares survivants vous avez été libéré à Sam Son le 20 Août 1954.
Enfin, quand ont dit que vous avez été libéré, c’est une formule qui ne tient pas compte des mois d’hôpital, d’autres mois passés en centre de repos, du taux d’invalidité physique qui vous écarte définitivement, et à votre très grand regret, de la carrière militaire et qui va obérer le reste de votre vie….sans compter le syndrome post-traumatique cher à nos psychologues du XXI° siècle mais dont on ne parlait pas encore.
Une fois sorti de ce long calvaire, la vie s’est enfin ouverte devant vous. Accueilli par l’éducation nationale vous y avez fait la preuve de vos qualités professionnelles pendant de longues années.
Et, ayant eu la chance de rencontrer celle qui vous accompagne et vous soutient depuis plus d’un demi-siècle, vous avez transmis à cinq enfants, à vos petits-enfants et à vos arrière-petits-enfants cette vie que vous avez chevillée au corps. C’est là, finalement la meilleure réponse et votre vraie victoire contre ceux qui ont tout osé pour vous détruire.
Notre pays a reconnu dans votre la citation collective décernée à la garnison de Dien Bien Phu –dont le nom est porté par une promotion de Saint-Cyr - que vous « méritiez l’admiration du monde libre, la fierté et la gratitude de la France » et que votre « courage est un modèle à jamais exemplaire ».
C’est pourquoi, Soldat Louis EVENOU, « Au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons officier de la Légion d’honneur».